Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/670

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déjà enlevé tout l’or et l’argent qu’ils avaient, comment est-il possible de tirer d’eux ce qu’ils n’ont pas ?

La disette actuelle de monnaie d’or et d’argent en Amérique ne provient pas de la pauvreté du pays ou du défaut de moyens pour ses habitants de se procurer de ces métaux. Dans un pays où les salaires du travail sont si fort au-dessus du prix de ceux de l’Angleterre, et le prix des vivres si fort au-dessous, assurément la majeure partie des gens y doivent avoir de quoi y acheter une plus grande quantité de ces métaux, s’il leur était nécessaire ou avantageux de le faire. La rareté de ces métaux y est donc une affaire de choix et non de nécessité.

Ce ne peut être que pour des transactions domestiques ou étrangères que la monnaie d’or et d’argent est nécessaire ou avantageuse.

On a fait voir, dans le IIe livre de ces Recherches[1], que les affaires intérieures d’un pays quelconque, au moins dans les temps de tranquillité, pouvaient marcher à l’aide d’un papier ayant cours de monnaie, avec à peu près autant d’avantage que si l’on employait de la monnaie d’or et d’argent. Pour les Américains, qui sont toujours dans le cas d’employer avec profit à l’amélioration de leurs terres de plus grands capitaux que tous ceux qu’il leur est possible de se procurer aisément, c’est un avantage que d’épargner, autant qu’il se peut, la dépense d’un instrument de commerce aussi dispendieux que l’or et l’argent, et de consacrer cette partie de leur produit superflu qu’absorberait l’achat de ces métaux à acheter bien plutôt les instruments de métier, les matières pour vêtements, les ustensiles de ménage, les ouvrages en fer, et enfin tout ce qui leur est nécessaire pour former leurs établissements et étendre leurs plantations, à acquérir un fonds actif et productif, plutôt qu’un fonds mort et stérile. Chaque gouvernement colonial trouve son intérêt à fournir au peuple du papier-monnaie en une quantité largement suffisante, et même en général plus que suffisante pour faire aller toutes les affaires intérieures. Quelques-uns de ces gouvernements, celui de Pennsylvanie en particulier, se font un revenu en prêtant ce papier-monnaie à leurs sujets, à un intérêt de tant pour 100. D’autres, comme celui de Massachussets, avancent un papier-monnaie de ce genre dans les besoins extraordinaires de l’État, pour subvenir aux dépenses publiques ; et ensuite, quand la colonie se trouve en commodité de le faire, ils le rachètent au bas prix auquel il tombe

  1. Tome I, page 553 et suiv.