Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/72

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nombre de gens de quelque autre manière. Le capital du pays restant le même, la demande du travail sera pareillement toujours la même ou à très-peu de chose près la même, quoique ce travail puisse se trouver transporté dans des lieux et dans des industries différentes. Il est vrai que les soldats et gens de mer réformés du service du roi sont libres d’exercer toute espèce de métier, en quelque ville ou endroit que ce soit de la Grande-Bretagne et de l’Irlande. Que l’on rende à tous les autres sujets de Sa Majesté, comme on l’a fait aux soldats et gens de mer, cette même liberté naturelle d’exercer telle espèce d’industrie qu’ils jugent à propos d’exercer, c’est-à-dire, qu’on détruise les privilèges exclusifs des corporations, et qu’on révoque le statut d’apprentissage, qui sont autant d’usurpations faites sur la liberté naturelle ; qu’on ajoute à ces suppressions celle de la loi du domicile[1], de manière qu’un pauvre ouvrier, quand il se trouve perdre son emploi dans le métier ou dans le lieu où il était placé, puisse en chercher dans un autre métier ou dans un autre lieu, sans avoir à craindre d’être persécuté ou d’être renvoyé, et alors, ni la société ni les individus n’auront pas plus à souffrir d’un événement qui disperserait quelques classes particulières d’ouvriers de manufacture, qu’ils n’ont à souffrir du licenciement des soldats. Nos manufacturiers sont sans doute des gens fort utiles à leur patrie, mais ils ne peuvent pas l’être plus que ceux qui la défendent au prix de leur sang, et ils ne peuvent pas se plaindre s’ils sont traités de la même manière.

À la vérité, s’attendre que la liberté du commerce puisse jamais être entièrement rendue à la Grande-Bretagne, ce serait une aussi grande folie que de s’attendre à y voir jamais réaliser la république d’Utopie ou celle d’Océana[2]. Non-seulement les préjugés du public, mais, ce

  1. Voyez sur les privilèges des corporations, sur la loi de l’apprentissage et sur celle du domicile, la seconde section du chap. x du liv. 1.
  2. Une pareille croyance parait aujourd’hui beaucoup moins absurde qu’elle n’a pu l’être en 1775. Depuis 1825 de grands pas ont été faits vers la liberté du commerce, et il n’est pas chimérique d’admettre aujourd’hui qu’un jour elle pourra être entièrement établie. Il faut se rappeler seulement qu’en parlant de liberté du commerce on ne prétend pas dire que les marchandises doivent être exemptes de toute espèce de droits ; mais on désire que le commerce ne soit pas entravé par des prohibitions frappant l’importation ou l’exportation. On ne veut pas que des droits soient établis dans un but de protection pour quelque industrie indigène, ou dans tout autre intérêt que celui des revenus du trésor. Des droits établis dans ce dernier but pourront être onéreux, mais ils ne seront pas une violation du principe de la liberté.
    Mac Culloch.
    Bien que nous ne puissions pas espérer de voir un système de liberté parfaite s’établir jamais en Angleterre, nous pouvons du moins admettre que la propagation des vrais principes contribuerait à saper par la base ces préjugés absurdes qui jusqu’à présent ont favorisé ce système d’entraves appliqué au commerce. Déjà le livre du docteur Smith a produit une véritable révolution dans l’opinion publique sous ce rapport, et dans les derniers temps la politique commerciale de son pays s’est ressentie de reflet de ses doctrines.
    Buchanan.