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LE BRAYAGE DU LIN

de tous, ne passaient pas pour avoir la langue pendue au palais. À lui seul, Bastien suffisait à faire enrager tout le monde. « Tiens, P’tit Coq s’est abrité sous les arbres, pour se préserver des indiscrétions du soleil », et on savait bien que P’tit Coq était le plus cuivré de ses co-paroissiens. « Le petit Gauvin a trop veillé hier soir aves sa blonde, c’est pour ça qu’il fait dodo sur sa braye. » Souvent, il y mettait de la malice. S’apercevant qu’il manquait des cheveux sur la tête de José, il en donne l’explication. « Mesieur José, ce sont les voisines qui vous ont calé de la sorte. » Ce n’est pas pour diminuer la réputation de José, mais il ne passait guère pour se battre avec ses voisines.

À midi-sonnant, on prit la guignolée, sur le bord du ruisselet. Elle nous était venue avec les plus belles filles du rang et on les disait presque toutes belles les filles de l’Embarras. Ce n’était pas en vain qu’avaient mijoté dans la graisse brûlante des croquignoles tout dorés, et qu’avaient cuit dans le vaste fourneau du poêle à deux ponts les pâtes à viande et les tartes de raisin. C’était pour le dîner des brayeux. Ainsi le voulait à l’époque des courvées la doulce coustume.

La Chauffeuse retourna vite à son fourneau, chacun à sa braye et Bastien à ses êtrivements.