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LE BRAYAGE DU LIN

Assis près du vieux four à chaux, je ne cessais de regarder la Chauffeuse. En la voyant avec sa manteline de laine grise, avec sa grosse jupe d'étoffe du pays et ses souillers plissés à la main je m’imaginais qu’ainsi devait être la sorcière de domaine d’Haberville, au temps des anciens canadiens. À la considérer si attentive à son feu, mon esprit revivait malgré lui les menaces des vieux Romains : « Malheur à la vestale qui laisse s’éteindre le feu sacré ! »

Mais non, le feu de notre vestale ne s’éteindra pas, une rafale est venue du nordet se jeter dans le braisier. La flamme irritée monte, monte, elle lèche l’échafaud… Puis les brayes se taisent, les agaceries discontinuent, un cri s’élève : « La grillade ! La grillade ! » Nous étions à la brunante, et à la dernière fournée de lin ; je vis très bien à la lueur de la grillade, l’arène avec ses érables, les brayes à demi ensevelies dans l’étoupe, et les brayeux tous bâtis à la canadienne, avec chemises