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LA CORVÉE

rude après-midi leur courir dans les jambes, quand on vint en toute hâte recruter tout le monde autour de la maison pour leur dire que Bapaume commençait à virer de l’œil et s’en allait grand train. On envahit la chambre, et alors chacun comprit que, cette fois, c’était fini. En effet, le moribond commençait à faire l’œil blanc, et un souffle rauque et précipité lui sortait de la poitrine. La tête, de plus en plus, creusait l’oreiller, et le nez qui, l’instant d’avant, semblait encore en bonne chair, s’effilait maintenant en lame, livide comme du plomb. Les mains cherchaient à tirer les draps. Le souffle rauque s’enflait en un bruit de râpe qu’on entendait très loin…

D’instinct, tout le monde fut à genoux pour la prière des agonisants. La femme du mourant lui tenait la tête un peu soulevée, et ses filles allumaient en toute hâte des cierges bénits pour chasser le mauvais esprit, toujours rôdant comme on sait en pareille conjoncture. De temps à autre, l’un des assistants, puisant un peu d’eau sainte au bout d’un rameau, en aspergeait le lit.

Par la fenêtre entrait, avec l’air de plus en plus frais, le chant rythmique et scandé des criquets qui était, à la façon de ces petits êtres, un hymne solennel à la nuit.