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LA CORVÉE DE L’ÉRABLE

Il y a bien trente-deux milles de Saint-Jérôme à Montréal, mais le terrain est planche, et l’hiver, il y a des raccourcis bien balisés. On entre tout de suite dans la savane ruinée par le feu et unie comme un lac. En ce jour de décembre, la neige récente avait habillé d’hermine les flancs des troncs noircis, et les souches chauves portaient des bonnets blancs. Des pistes fraîches traversaient la route, et les jeunes gens disaient en montrant la lisière sombre vers Mascouche : « Il y a du chevreux par ici ! »

Sainte-Thérèse, Sainte-Rose, Saint-Martin, l’Abord-à-Plouffe virent tour à tour passer la corvée de l’érable. Partout on lui faisait fête et de nouveaux traîneaux s’ajoutaient. Enfin, vers cinq heures, les colons du Nord firent leur entrée dans Montréal par la rue Saint-Laurent. Les réverbères s’allumaient et la cessation du travail commençait à peupler la rue. Une foule compacte, grossie par une escorte de gamins, s’amassa bientôt des deux côtés. Curieux spectacle vraiment que ces robustes gaillards à qui les petits glaçons faisaient des moustaches mérovingiennes, ces chevaux blancs de frimas, cette symphonie naïve des grelots qui disaient à leur façon : “« Venez les pauvres, voici du bois ! Venez, les pauvres, voici du feu ! »

La voiture de tête attirait surtout l’attention,