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cine interrompues, dans le service de santé militaire, comme gestionnaire d’un hôpital de Rouen, replié successivement à Clères, à Arromanches, puis à Agen (d’où je vis arriver successivement Hélène et lui à Toulouse, où m’avait amené l’exode de nos laboratoires parisiens). Démobilisé à Agen à la fin de juillet 1940, il doit attendre un mois pour pouvoir remonter à Paris où j’étais moi-même rentré quelques semaines auparavant.

Mon arrestation, le 30 octobre 1940, décida de son sort.

C’est, en grande partie, pour protester contre elle qu’il entreprit avec ses compagnons de lutte et de sacrifice la publication de « l’Université Libre » et commença avec Hélène la vie clandestine qui devait durer plus d’un an et les conduire, lui à la torture et à la mort, elle à plus de trois années d’emprisonnement et de déportation.

Il y a aujourd’hui quatre ans que Jacques est mort, un an qu’Hélène est de retour. L’émotion que j’éprouve en évoquant ces souvenirs resterait trop personnelle si elle ne s’élargissait à la pensée de tant de martyrs, aux sacrifices desquels chaque jour apporte ses anniversaires. En pensant à ceux qui le touchent de plus près, le vieil homme que je suis pense à ceux des autres. Puisse l’évocation de la vie si pure et si bien remplie de Jacques Solomon rappeler à tous ceux qui ont souffert dans leur chair ou dans leurs affections combien nous sommes proches les uns des autres et ce que représente pour nous tous le commun sacrifice de tous nos héros.

Mai 1946. Paul Langevin.