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I. — Les origines


Issue des grandes traditions d’intérêt et de respect pour la science qui caractérisent la civilisation gauloise, ayant reçu par l’intermédiaire des Romains le glorieux héritage de la pensée grecque et de la pensée latine, telle nous apparaît la pensée française à ses origines. Mais après que la civilisation gallo-romaine eut brillé d’un vif éclat, les invasions des Barbares, les guerres incessantes devaient entraîner pendant plusieurs siècles une grande décadence intellectuelle. Durant ces sombres époques de notre histoire, l’ignorance était générale. La langue latine, dont l’Église catholique continuait de faire usage, était le trait d’union avec la civilisation passée. Et ce devait être justement le rôle des communautés religieuses que de conserver et de transmettre aux siècles futurs la somme des connaissances humaines du passé.

C’est à Charlemagne (742-814) que l’on doit les premiers essais d’une Renaissance intellectuelle dans notre pays. Il réunit à sa cour les meilleurs penseurs de son époque ; il ouvre une école pour les jeunes gens qui veulent entrer à son service, il cherche même à développer au moins l’instruction religieuse dans le peuple. Un véritable centre intellectuel se développe autour de lui : de tous pays on vient s’y instruire. Mais l’Empire fondé par Charlemagne n’a qu’une durée éphémère ; il s’écroule à sa mort, et c’est à nouveau la barbarie pour plusieurs siècles.

Néanmoins, au plus fort de l’anarchie féodale, quelques écoles subsistaient auprès d’une église, auprès d’une abbaye : à Auxerre, à Reims, à Aurillac, à Chartres, à Paris enfin. C’est de l’École de Reims que sort Gerbert, qui sera pape sous le nom de Sylvestre II et dont le savoir encyclopédique étonne à tel point ses contemporains que certains le soupçonnent d’avoir fait un pacte avec le diable. Mais c’est vers la fin du onzième siècle que l’activité intellectuelle va vraiment renaître en même temps que commerce et industrie. Des ordres religieux sont créés qui copient des milliers de volumes et aident à la diffusion de la pensée antique. Et surtout les écoles dont nous venons de parler se développent, comptent un nombre sans cesse croissant d’élèves et vont être à l’origine des Universités.


Les premières universités

C’est vers la fin du douzième siècle que maîtres et élèves de Paris s’associèrent pour former l’Université des maîtres et des écoliers de Paris. Ce fut la première Université d’Europe. En 1200 elle