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II. — La Renaissance — L’humanisme


Pendant que les Scolastiques s’épuisaient dans des controverses de plus en plus dépourvues de contenu, cherchant à perfectionner en la stérilisant les règles de la Logique d’Aristote, c’est-à-dire à perfectionner l’art du raisonnement sans qu’il fût appliqué à la réalité et à la pratique, de grands faits venaient révolutionner les connaissances humaines : c’est ce qu’on appelle souvent les Grandes Inventions. En particulier c’est en 1492 que Christophe Colomb, guidé par les travaux du Français Pierre d’Ailly, découvre l’Amérique. Un monde immense est révélé, que les Anciens n’avaient pas connu. À peu près à la même époque, après la prise de Constantinople par les Turcs (1453), de nombreux lettrés grecs viennent en France et y font connaître directement la pensée des Anciens. L’invention de l’imprimerie par Gutenberg (vers 1450) permet de la diffuser partout. Il semble à tous que c’est une véritable Renaissance des lettres et de la pensée. On découvre à la fois qu’Aristote ne savait pas tout, qu’il faut s’adresser directement à l’expérience pour développer nos connaissances, et d’autre part qu’on le connaissait mal, de manière très incomplète, et que remonter à la source même est hautement profitable. Dès 1470 Guillaume Fichet obtient l’autorisation d’installer une imprimerie au Collège de la Sorbonne, dont il était le bibliothécaire : ce fut la première imprimerie en France.

Dès lors se multiplièrent ceux que, par opposition aux scolastiques, on devait appeler les humanistes, parce qu’au lieu de se livrer aux spéculations théologiques, ils enseignaient des arts (tels que l’éloquence, la poésie) pour la culture de l’esprit. L’humanisme, c’est-à-dire la reconnaissance de la valeur de l’esprit humain, devait devenir un des traits essentiels de la pensée française.

L’un des plus célèbres humanistes du XVIe siècle fut Guillaume Budé (1468-1540). Il développe autour de lui le culte de la littérature grecque et doit être considéré comme le fondateur de la philologie, c’est-à-dire de l’étude critique des textes anciens. C’est à son instigation que François Ier, pour favoriser l’enseignement des connaissances nouvelles auxquelles la Sorbonne manifestait toujours son hostilité, institua en 1530 des lecteurs royaux. Le « Collège des lecteurs royaux » devait devenir au XVIIe siècle le « Collège royal de France » et après la Révolution le « Collège de France», à la réputation universelle. La cause de la pensée libre marquait un grand succès : l’enseignement qui devait y être donné était émancipé de la tutelle des théologiens ; les lecteurs royaux ne relevaient pas de l’Université.

On se jette avec passion sur tous les sujets. Étienne Pasquier (1529-1615), dans ses Recherches de la France, étudie les origines