Page:Solomon - La Pensée française des origines à la révolution, 1946.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’histoire de notre pays, Henri Estienne (1531-1598), imprimeur célèbre, démontre La précellence du langage français en même temps qu’il approfondit nos connaissances sur la langue grecque.

Jean Bodin étudie et compare les institutions politiques de son temps. Il pose en principe que l’État est soumis au droit naturel, que son autorité ne peut par exemple supprimer la propriété individuelle. L’État n’a pas pour mission d’être au service du Prince, Il doit être au service du bien de tous. Sur un autre plan Jean Bodin cherche à dégager de toutes les religions existantes ce qu’il y a de commun entre elles, qui puisse servir de religion universelle. Il prêche par suite la tolérance. Enfin, faisant œuvre de précurseur sur un autre domaine, Jean Bodin est le premier économiste français. Après la découverte de l’Amérique, l’or avait afflué en Europe, et les prix de toutes les denrées avaient augmenté dans des proportions considérables. Jean Bodin fut un des rares contemporains à en comprendre les vraies causes.

Étienne de la Boétie (1530-1563), l’ami de Montaigne, écrit, âgé de dix-huit ans seulement, son Discours de la servitude volontaire, en l’honneur de la liberté contre les tyrans. Il y développe le sentiment du droit des peuples, il cherche à comprendre pourquoi la tyrannie est possible, comment il est possible de l’éviter aux peuples. C’est là prendre exactement le contre-pied de l’œuvre de l’Italien Machiavel, développant à la même époque des conseils aux princes pour mieux assurer leur domination. Avec lui commence à passer le souffle démocratique et humain, adversaire de toute tyrannie matérielle ou spirituelle.

En même temps on assistait à un essor extraordinaire des sciences. Les mathématiques sont brillamment représentées par François Viète (1540-1603) qui écrivit de nombreux ouvrages sur l’algèbre et la géométrie et qu’on doit considérer comme le prédécesseur immédiat de Descartes.

En Pologne vit Copernic (1473-1543), qui affirme, contrairement à la Bible, que la terre n’est pas immobile mais tourne autour du soleil ainsi que sur elle-même, traçant ainsi la voie à Kepler et Galilée, et par là encore à Descartes.


Bernard Palissy et la méthode expérimentale

On s’arrêtera ici plus longuement sur un des hommes les plus remarquables de cette époque, sur Bernard Palissy (1510-1590). Bernard Palissy est un de ceux qui se sont le plus attachés à proclamer la supériorité de l’expérience sur l’autorité des maîtres. On peut le considérer comme l’un des créateurs de la méthode expérimentale, de la méthode scientifique.

« Je n’ai point eu, dit-il, d’autre livre que le ciel et la terre, lequel est connu de tous ; il est donné à tous de connaître et lire ce beau livre. » C’est par ses patientes recherches pour la préparation des émaux qu’il se rendit célèbre. Ayant vu une coupe émaillée, il résolut d’arriver à reproduire cet émail. Pendant vingt-cinq ans, il chercha patiemment le secret sans se laisser décourager par les insuccès. « Quand j’avais appris à me donner garde d’un danger, il m’en survenait un autre, lequel je n’eusse jamais pensé », allant jusqu’à brûler les tables et le plancher de sa maison pour