Page:Solomon - La Pensée française des origines à la révolution, 1946.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

alimenter le four en combustible. Le succès finit par couronner ses efforts et l’on admire encore les plats émaillés de Bernard Palissy. Mais là ne se borne pas son œuvre. Fidèle observateur de la nature, on doit le considérer comme le premier des géologues français. Il étudie l’argile, les pierres, la formation des cristaux, il imagine une méthode pour sonder les terrains ; dans son livre sur les eaux et fontaines, il indique l’origine des eaux minérales, des eaux thermales, il a l’idée des puits artésiens. Dans tout cela se montre l’esprit d’observation et d’expérimentation le plus ingénieux et le plus attentif, et Bernard Palissy, en qui s’incarne toute la céramique française, est en même temps un des initiateurs de la géologie, et d’une façon générale de la méthode expérimentale. Dans une de ses œuvres conçue sous forme de dialogue, deux interlocuteurs sont en présence : l’un, qui s’appelle Théorique, l’autre Pratique ; et c’est toujours Pratique qui ramène Théorique de l’erreur vers la vérité.

À côté de lui on peut placer celui qui rénova entièrement la chirurgie : Ambroise Paré (1517-1590). Il avait échappé à l’éducation purement livresque des médecins de son temps, parce que les chirurgiens étaient considérés comme de simples artisans. Il se consacra au perfectionnement des méthodes de traitement des blessures. Il ne marquait aucun respect servile pour les opinions des anciens qui, disait-il, « doivent nous servir d’échauguettes pour voir plus loin ». Pour arrêter l’écoulement de sang en cas de blessure ou d’amputation, on employait le fer rouge ou l’huile bouillante. À ces procédés barbares, il montra qu’il fallait substituer une chirurgie rationnelle : faire la ligature de l’artère cause du saignement. Par cette idée si simple, un progrès essentiel était accompli dans l’art de la chirurgie.

À ce grand mouvement d’idées remettant en question tout ce qui n’était admis que par autorité, vérifiant par la raison et l’expérience toutes les notions courantes, la religion ne pouvait échapper. Nous avons déjà vu que l’Église s’identifiant avec la société féodale, tout effort d’émancipation de l’esprit humain tel qu’il était nécessité par le développement de l’industrie et du commerce des villes devait forcément prendre figure d’un mouvement dirigé contre la religion catholique : telles avaient été les hérésies du Moyen Âge, telle fut la Réforme.


La Réforme

L’esprit de libre examen n’épargnait pas Aristote avec Pierre Ramus, philosophe et mathématicien. Il ne devait pas épargner les Écritures avec un Lefèvre d’Ėtaples, avec un Étienne Dolet, malgré les persécutions (Étienne Dolet, rationaliste convaincu, fut brûlé à Paris en 1546). Ainsi la voie fut frayée à Jean Calvin (1509-1564). Ce n’est pas ici notre rôle d’étudier l’importance historique du mouvement de la Réforme ; nous nous contenterons de rappeler c’est à Calvin que l’on doit l’expression de la Réforme sous un aspect universel, purement religieux. Il la dota d’une doctrine ferme, souvent rigide, et le mouvement calviniste se répandit bien au delà de la France. De Genève, Calvin, qui s’y était fixé depuis 1536, dirigea le mouvement par sa correspondance avec les églises et les personnalités marquantes, jusqu’à sa mort. C’est en 1536