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vement et, par suite, la dialectique, pénétraient dans cette science. Toutes les conditions étaient dès lors données pour l’apparition et le développement du calcul infinitésimal, gloire de Newton et de Leibniz ; mais l’on voit toute la part qu’a prise directement Descartes dans l’élaboration de ses fondements.


La physique cartésienne

Mais Descartes allait plus loin. Confiant dans sa méthode qui lui avait permis de surmonter tant de difficultés devant lesquelles ses prédécesseurs avaient échoué, il prétendait en déduire toute l’explication des phénomènes de la nature, toute la physique : « Que je ne reçois point de principes en physique, qui ne soient aussi reçus en mathématique, afin de pouvoir prouver par démonstration tout ce que j’en déduirai, et que ces principes suffisent, d’autant que tous les phénomènes de la nature peuvent être expliqués par leur moyen. »

Il fallait pour cela éliminer les sensations confuses, telles le froid, la chaleur, la couleur, éliminer tout le qualitatif, arrivant ainsi à considérer que ce n’est ni la pesanteur ni la dureté, ni la couleur, etc…, qui constituent la nature du corps, mais son extension seule.

La substance était identifiée avec l’étendue, l’étendue avec la substance, rendant ainsi possible l’application des mathématiques, la science de l’étendue par excellence. Mais, comme il faut bien nous rendre compte de la diversité des objets, de toutes les variétés de matière dont nos sens nous procurent la connaissance, la réduction de la matière à l’étendue entraînait obligatoirement la considération du mouvement : « toutes les variétés qui sont en la matière dépendent du mouvement de ses parties » ; et c’est ainsi que nous apparaît le contenu dialectique de la physique cartésienne.

Mais naturellement, à l’époque où vivait Descartes, le seul mouvement dont il pouvait être question pour lui, était le mouvement de la mécanique, c’est-à-dire, le transport d’un lieu à un autre. C’est ce qui va donner, et il ne pouvait guère en être autrement alors, à toute sa physique un tour particulier que l’on condense parfois en disant de la physique cartésienne, qu’elle est une physique du mécanisme, une physique mécaniste : le but de la physique désormais réduite à la mécanique, était de tout expliquer par figures et par mouvements, d’imaginer des mécanismes plus ou moins analogues à ceux qui réussissaient si bien dans les manufactures de Hollande, qui permettraient de rendre compte des phénomènes naturels. « À quoi l’exemple de plusieurs corps composés par l’artifice des hommes m’a beaucoup servi, car je ne reconnais aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose, sinon que les effets des machines ne dépendent que de l’agencement de certains tuyaux ou ressorts, ou autres instruments qui devant avoir quelque proportion avec les mains de ceux qui les font, sont toujours si grands que leurs figures et mouvements se peuvent voir, au lieu que les tuyaux ou ressorts qui causent les effets des corps naturels sont ordinairement trop petits pour être aperçus de nos sens. » L’in-