Ses remords, en mourant, ont rompu le secret ;
Il vous gardait encore une amitié fort tendre :
Mais le compte qu’aux Dieux la mort force de rendre
A porté dans son cœur un si pressant effroi,
Qu’il a remis Corinthe aux mains de son vrai roi.
Et de qui, par pitié, j’ai dérobé les jours
Aux ongles des lions, aux griffes des vautours.
Les trois que lui donna le conjugal amour
Perdirent en naissant la lumière du jour,
Et la mort du dernier me fit prendre l’audace
De Vous offrir au roi qui vous mit en sa place.
Ce que l’on se promit de ce fils supposé
Réunit sous ses lois son État divisé ;
Mais comme cet abus finit avec sa vie,
Sa mort de mon supplice aurait été suivie,
S’il n’eût donné cet ordre à son dernier moment,
Qu’un juste et prompt exil fût mon seul châtiment.
Mais je me fis toujours maître de ma fortune,
Et puisqu’elle a repris l’avantage du sang,
Je ne dois plus qu’à moi tout ce que j’eus de rang.
Mais n’as-tu point appris de qui j’ai reçu l’être ?
Vous fûtes exposé jadis par un Thébain,
Dont la compassion vous remit en ma main,
Et qui, sans m’éclaircir touchant votre naissance,
Me chargea seulement d’éloigner votre enfance.
J’en connais le visage, et l’ai revu souvent
Sans nous être tous deux expliqués plus avant :
Je lui dis qu’en éclat j’avais mis votre vie,
Et lui cachai toujours mon nom et ma patrie,
De crainte, en le sachant, que son zèle indiscret
Ne vînt mal à propos troubler notre secret.
Mais comme de sa part il connaît mon visage,
Si je le trouve ici, nous saurons davantage.
Mon cœur qui se soulève en forme un noir augure
Sur l’éclaircissement de ma triste aventure.
Où me reçûtes-vous ?
Le temps, le lieu, l’oracle et l’âge de la reine,
Tout semble concerté pour me mettre à la gêne.
Dieux ! serait-il possible ? Approchez-vous, Phorbas.