Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/397

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NÉOPTOLÈME.

O infortuné que tu es ! hélas ! infortune que tous les maux révèlent à la fois ! Veux-tu que je te soutienne, veux-tu le secours de mon bras ?

PHILOCTÈTE.

Non certes, n’en fais rien ; mais prends cet arc que tu me demandais tout à l’heure ; garde-le, conserve-le moi, jusqu’à ce que cet accès de mon mal soit calmé ; car un sommeil profond me saisit, dès qu’il touche à sa fin, et jusque-là je ne puis obtenir de relâche, il faut me laisser dormir tranquille. Mais si pendant ce temps mes ennemis surviennent, je t’en conjure, au nom des dieux, ne leur livre point ces armes, ni de gré ni de force, et ne te laisse abuser par aucune de leurs ruses, si tu ne veux te faire périr toi-même, en même temps que moi, qui suis ton suppliant.

NÉOPTOLÈME.

Repose-toi sur ma vigilance ; nul autre que toi et moi n’y touchera ; confie-les moi donc avec confiance.

PHILOCTÈTE.

Tiens, les voici, mon fils ; mais conjure l’Envie, de peur qu’elles ne deviennent pour toi une source de maux, aussi funestes qu’elles l’ont été pour moi et pour leur premier maître.

NÉOPTOLÈME.

O dieux, puisse ce vœu s’accomplir ! Puisse une navigation heureuse et rapide, avec la protection divine, nous conduire au terme de notre expédition !

PHILOCTÈTE.

Mais je crains bien, mon fils, que tes vœux ne s’accomplissent pas ; car voici que des flots d’un sang noir recommencent à couler de ma plaie, et je m’attends à quelque nouvelle attaque. Ah ! hélas ! plaie cruelle, que tu vas me faire souffrir ! Ah ! le mal s’avance, il s’approche ! Hélas ! malheureux que je suis ! vous voyez tout ; ah !