Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cours assister les autres Grecs ; pour nous, jamais l’ennemi ne rompra nos rangs. » C’est par ces discours et cet orgueil plus qu’humain qu’il s’est attiré la colère implacable de la déesse. Cependant, s’il échappe aux dangers de cette journée, nous le sauverons peut-être, avec le secours des dieux. — Ainsi parla Calchas, et Teucer m’envoie aussitôt te porter ces ordres, pour qu’ils soient observés. S’il n’est plus possible de les exécuter, c’en est fait d’Ajax, si Calchas est bien inspiré.

LE CHŒUR.

O infortunée Tecmesse, race malheureuse, viens entendre les nouvelles qu’il apporte ; le danger est imminent[1], et la joie est perdue pour nous.



TECMESSE.

Pourquoi arracher encore une infortunée au repos dont elle jouit à peine après tant de maux inépuisables ?

LE CHŒUR.

Écoute cet homme, il nous apporte sur le sort d’Ajax des nouvelles qui m’ont contristé.

TECMESSE.

Hélas ! qu’as-tu à nous dire, ami ? est-ce fait de nous ?

LE MESSAGER.

J’ignore ton destin, mais je crains fort pour celui d’Ajax, si toutefois il est sorti de sa tente.

TECMESSE.

Oui, il est sorti ; je suis dans l’anxiété sur ce que tu vas dire.

LE MESSAGER.

Teucer recommande de le retenir dans sa tente et de ne point le laisser sortir seul.

TECMESSE.

Mais où est Teucer ? et pourquoi parle-t-il ainsi ?

  1. V. 785, ξυρεῖ γὰρ ἐν χρῷ τοῦτο, le rasoir touche à la peau ; c’est-à-dire le danger est imminent. Locution proverbiale. (Voy. Antigone, vers 996, et Lucien, Jupiter traq., commencement.)