Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/61

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LE MESSAGER.

Il va venir lui-même ; il craint que cette sortie d’Ajax ne lui soit funeste.

TECMESSE.

Que je suis malheureuse ! et de quel mortel le sait-il ?

LE MESSAGER.

Le fils de Thestor, Calchas, a prédit que ce jour apporterait à Ajax ou la vie ou la mort.

TECMESSE.

Hélas ! mes amis, secourez-moi dans cette circonstance critique ; et hâtez-vous , les uns d’amener au plus vite Teucer, ceux-ci d’aller vers les collines qui sont au couchant, ceux-là vers celles qui regardent l’aurore, chercher les traces de mon malheureux époux ; car je vois qu’il m’a trompée, et que mon ancien pouvoir sur lui est perdu. Hélas ! que faire, mon fils ? Mais ce n’est pas le temps de se reposer ; j’irai moi-même, autant que mes forces me le permettront. Partons, hâtons-nous, il n’y a pas un moment à perdre, si nous voulons sauver un homme qui court à la mort.

LE CHŒUR.

Je suis prêt à partir, et ce ne sont point de vains propos ; l’effet suivra de près mes paroles[1].

(Le Chœur et Tecmesse sortent.)



AJAX.

Voilà, si je ne me trompe[2], le fer meurtrier dressé de manière à frapper le coup le plus sûr ; triste présent d’Hector, pour moi le plus odieux et le plus haï des

  1. C’est la seule pièce de Sophocle où le Chœur quitte la scène avant la fin de l’action. Il y avait nécessairement ici un changement de décoration ; le Scholiaste l’indique, et il ajoute que le théâtre représente un lieu désert, sur le rivage de la mer. À tort Dupuis, un des traducteurs de Sophocle, et Barthélémy, Voyage d’Anacharsis, ont voulu maintenir ici l’unité de lieu. Les Grecs ne se faisaient pas scrupule d’y manquer, lorsque les besoins de l’action l’exigeaient.
  2. Littéralement : « Si l’on a encore le loisir de considérer ceci. »