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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/100

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jurâmes une éternelle amitié et une assistance favorable. Nos conviés s’en retournèrent coucher chez eux, et le lendemain Marsaut ne faillit pas à revenir avec cinq de ses compagnons mieux en ordre que ceux que j’avais déjà vus : me tenant en secret, il me dit que je n’avais que faire de cacher ce que j’étais, parce qu’il me reconnaissait bien. Ma réponse fut que je n’avais aussi jamais désiré de le lui tenir secret, et qu’il me devait excuser si le jour précédent je ne lui avais point fait d’accueil, d’autant que je ne le trouvais point à propos, à cause des personnes qui étaient présentes. Là-dessus, il s’enquit de moi, que j’avais fait de l’argent de notre maître ; et je lui fis accroire qu’il me l’avait repris, l’ayant trouvé dans mon coffre, et qu’il m’avait chassée pour ce sujet. Quant à l’état où j’étais, je lui dis qu’il n’en devait entrer en aucune admiration, vu qu’il pouvait présumer par quel moyen je m’y étais mise et m’y conservais.

Voilà en un instant notre amitié nouée de plus belle, et ce fut à lui à conter quelle sorte de vie il avait choisie : il me dit que, ne pouvant plus obéir à des maîtres, il avait trouvé un brave homme de son pays, qui était l’un de ceux que je voyais, lequel l’avait attiré à chercher comme lui l’occasion, la nuit et le jour, et dérober tout ce qu’ils pourraient. Il me conta qu’ils étaient dans Paris grande quantité qui vivaient de ce métier-là, et qui avaient entre eux beaucoup de marques pour se reconnaître, comme d’avoir tous des manteaux rouges, des collets bas, des chapeaux dont le bord était retroussé d’un côté, et où il y avait une plume d’un autre, à cause de quoi l’on les nommait plumets ; que leur exercice était, le jour, de