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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/99

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étant averti, s’y en vint pour y gagner sa lippéewkt. Voyez un peu la merveille, et comme cet homme de justice était équitable ! Ceux qui querellaient Perrette étaient voleurs, il les reconnaissait pour tels, et néanmoins il assura que le manteau qu’ils avaient dérobé leur appartenait, comme pris en bonne guerre, et condamna Perrette à le leur rendre. Elle qui savait l’autorité du personnage, et combien il lui importait de gagner ses bonnes grâces, ne voulut plus faire la rétive ; mais ayant confessé qu’elle avait reçu le manteau, elle assura qu’elle ne voulait point de dispute et qu’elle en passerait par où l’on aviserait. Elle dit, de surplus, qu’elle l’avait déjà vendu, et pria les trois auxquels il appartenait, et monsieur le commissaire aussi, d’en venir manger ce qu’elle en avait retiré.

Aux moindres mots de courtoisie qu’elle eut dit pour les inviter, les voilà prêts à bien faire, et, avant que de remonter, elle envoie sa servante en tous les lieux où il fallait aller pour avoir en un moment le couvert d’une table. Quand je vis entrer Marsaut, je changeai de couleur plus de fois que ne ferait un caméléon en toute sa vie. Encore le malheur voulut que celui qui m’entretenait s’en allât, de sorte que je fus après contrainte de parler à ceux qui étaient demeurés.

Marsaut me regardait et m’écoutait avec un étonnement non-pareil, car il lui semblait bien que j’étais la même Agathe avec laquelle il avait eu par le passé une familiarité si grande ; mais mes habits le démentaient. Il fut des mieux trinqué au repas que nous fîmes ; et, parce que nous avions tous affaire l’un de l’autre, nous nous