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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/101

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se promener par les rues et y faire des querelles sur un néant, pour tâcher d’attraper quelque manteau parmi la confusion ; que, la nuit, ils avaient d’autres moyens différents pour exercer leurs voleries ; que quelques-uns d’eux avaient l’artifice d’attirer au jeu ceux qu’ils rencontraient et de leur gagner leur argent par des tromperies insignes ; et qu’enfin ils étaient en si bonne intelligence avec les ministres de la justice, qu’il n’arrivait guère qu’ils fussent punis, s’ils n’avaient quelque forte partie de qui la bourse fût mieux garnie que la leur. Bref, il m’apprit les affaires les plus secrètes de sa compagnie. Je lui demandai si pas un des siens ne craignait le supplice. Il me répondit qu’il croyait qu’il n’y en avait guère qui y songeassent seulement, et qu’ils n’avaient rien devant les yeux que leur nécessité qui les obligeait à chercher des moyens de passer leurs vies parmi le contentement ; et que, s’il advenait que l’on les fît mourir l’on les délivrerait du souci et de la peine qu’ils prenaient à tâcher de se tirer hors de la pauvreté. Je voulus encore savoir de quelle manière de gens leurs bandes étaient composées.

— Nous sommes, pour la plupart, ce dit-il, des valets de toutes sortes de façons qui ne veulent plus servir, et encore, parmi nous, il y a force enfants d’artisans de la ville qui ne veulent pas se tenir à la basse condition de leurs pères et se sont mis à porter l’épée, pensant être beaucoup davantage à cause de cela : ayant dépensé leurs moyens, et ne pouvant rien tirer de leurs parents, ils se sont associés avec nous. Je vous dirai bien plus, et à peine le croirez-vous : il y a des seigneurs des plus qualifiés, que