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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/102

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je ne veux pas nommer, qui se plaisent à suivre nos coutumes, et nous tiennent fort souvent compagnie la nuit. Ils ne daignent pas s’adresser à toutes sortes de gens, comme nous ; ils n’arrêtent que les personnes de qualité, et principalement ceux qui ont mine d’être courageux, afin d’éprouver leur vaillance contre la leur. Néanmoins, ils prennent aussi bien les manteaux comme nous et font gloire d’avoir gagné cette proie à la pointe de l’épée. De là vient que l’on les appelle tire-soies, au lieu que l’on ne nous appelle que tire-laines.

Quand Marsaut m’eut conté cela, je m’étonnai de la brutalité et de la vileté de l’âme de ces seigneurs, indignes du rang qu’ils tiennent à la cour, lesquels prenaient pourtant leur vice pour une héroïque vertu. Les plumets et les filous ne me semblaient pas si condamnables, vu qu’ils ne tâchaient qu’à sortir de leur nécessité, et qu’ils n’étaient pas si sots ni si vains que de faire estime d’une blâmable victoire acquise sur des personnes attaquées au dépourvu.

Depuis, Perrette, ayant eu leur accointance, leur servit à retirer beaucoup de larcins, dont elle avait sa part pour nous entretenir. Le commissaire souffrait que l’on fît tout ce ménage, encore que les voisins l’importunassent incessamment de nous faire déloger, parce qu’il avait avec nous un acquêt qui n’était pas si petit qu’il n’aidât beaucoup à faire bouillir sa marmite.

Nous jouâmes en ce temps-là beaucoup de tours admirables à des gens qui payaient toujours, malgré eux, l’excessive dépense que nous faisions. Je ne vous en veux raconter qu’un entre autres, venu de l’invention de