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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/105

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retour, lui conta que je m’étais bien enquise encore plus particulièrement de lui après qu’il avait été passé, et que j’étais si aise de le voir, que je me tenais tous les jours à ma fenêtre à l’heure qu’il avait accoutumé de venir en ma rue. « Voilà un bon commencement pour votre amour, ajouta Marsaut, il faut poursuivre à tout hasard : je me fais fort de vous y servir beaucoup. » L’Anglais, tout comblé de joie, embrassa une infinité de fois Marsaut, qui, pour commencer à faire son profit, supplia l’hôte de faire accroire qu’il lui devait cinquante écus pour l’avoir logé. Il tenait cabaret chez lui et s’entendait avec les filous, qui y menaient boire des dupes pour les tromper au jeu ou leur ôter leur argent de violence ; voilà pourquoi il n’avait garde qu’il ne s’accordât à faire ce que lui demandait un du métier. Comme Marsaut était avec l’Anglais, il lui vint dire qu’il avait affaire des cinquante écus qu’il lui devait : Marsaut fit réponse qu’il n’avait pas d’argent à l’heure ; l’hôte jure qu’il en veut avoir et qu’il s’en va querir les sergents pour le faire ajourner. Lorsqu’il s’en fut allé, Marsaut pria le gentilhomme anglais de l’assister en une nécessité si grande, et tira sans difficulté de lui la somme que l’on lui avait demandée, lui promettant de bouche de la lui rendre. Il feignit qu’il s’en allait rattraper le tavernier pour le contenter, et qu’en considération du plaisir qu’il venait de recevoir il donnerait jusques à ma maison pour savoir tout à fait si mon cœur pouvait être échauffé par un autre que celui que j’avais déjà.

À son retour, il fit accroire à l’Anglais qu’il m’avait trouvée entièrement disposée à contracter avec lui une