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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/106

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parfaite amitié, et que je ne demandais pas mieux que de jouir de sa communication. Là-dessus, il lui dit qu’il serait fort à propos qu’il me fît quelque présent, comme d’un poinçon de diamant pour mettre dans les cheveux, parce qu’il avait remarqué que je n’en avais point, et que je tenais un peu d’une humeur avaricieuse, qui me donnait de l’inclination à chérir ceux qui me faisaient des largesses. Ce passionné étranger alla aussitôt acheter ce que Marsaut lui avait dit, et le lui mit entre les mains pour me l’apporter, sur la promesse qu’il lui fit que, le lendemain, il verrait que j’en parerais ma tête lorsqu’il le ferait parler à moi.

Je savais l’heure qu’il devait venir, et me mis sur notre porte, où il m’accosta courtoisement avec Marsaut. Il n’entendait pas encore bien le français, aussi ne faisais-je pas son langage corrompu, de manière que notre entretien fut d’un coq-à-l’âne perpétuel. Quand il m’offrait son affection, je pensais qu’il me reprochât le présent bien plus riche qu’il m’avait déjà fait ; néanmoins je n’étais pas prête à le lui rendre. Si je louais son mérite, il me répondait que, s’il eût pu trouver un plus beau diamant que celui qu’il m’avait envoyé, c’eût été pour moi.

Nous avions bon besoin que Marsaut nous servît de truchement, comme il fit depuis, en me disant en deux mots que le beau chevalier que je voyais se mourait d’amour pour moi, et en répondant à l’Anglais, suivant mes paroles, que, sur tous les vices du monde, je haïssais l’ingratitude, et serais prompte à reconnaître son affection puisqu’elle était jointe à des perfections incomparables dont j’étais éprise.