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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/107

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Là-dessus, Perrette sortit de sa chambre et me dit avec une voix rude, comme si elle eût été en colère :

— Rentrez-ici ! À qui parlez-vous là-bas ?

— Je parle à mon cousin, répondis-je.

Puis aussitôt, avec une façon craintive et éperdue, je dis adieu à mon vrai serviteur et à mon feint parent, qui lui dit que celle qu’il avait ouï crier était une vieille à qui l’on m’avait donnée en une étroite garde ; que, pour conquêter une si précieuse toison comme ma beauté, il fallait tâcher d’endormir ce dragon veillant et qu’il était vraisemblable que les écus étaient les enchantements les plus assurés. Les liens de son amour étaient si fermement attachés, qu’il consentit bien à détacher ceux de sa bourse, de sorte que le lendemain, étant encore avec Marsaut et ayant trouvé Perrette à la porte, elle n’eut pas sitôt déclaré, comme par manière d’entretien qu’elle était en peine de trouver de l’argent à emprunter, qu’il s’offrait à lui en apporter autant qu’elle en avait besoin ; et, de fait, qu’à l’instant il s’en retourna chez lui querir quelques cent francs, qui étaient environ la somme dont Perrette se disait avoir nécessité. Après qu’il la lui eut comptée dedans sa chambre, il dit à l’oreille de Marsaut, qui était présent, qu’il songeât à son affaire ; et Marsaut, après avoir parlé à l’écart à Perrette, lui vint rapporter qu’elle était vaincue par sa courtoisie et qu’elle manquerait à la fidélité qu’elle avait promise à un grand seigneur, pour lui complaire, en le faisant jouir de moi la nuit d’après le jour suivant.

L’heure de cette douce assignation venue, il se trouva en notre maison avec un habit tout chargé de passements