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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/108

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d’or ; car d’autant que le roi les avait défendus par un édit, lui, qui était étranger, se plaisait à en porter, pour paraître davantage avec une chose non commune. Tout son corps était curieusement nettoyé et parfumé ; car il songeait qu’ayant à coucher avec la maîtresse d’un grand, accoutumée aux somptuosités, il ne fallait pas être en autre façon, craignant d’être dédaigné. Lorsqu’il fut au lit près de moi, je vous assure que je ne suivis pas un conseil que Perrette et Marsaut m’avaient donné, de ne lui point départir la cinquième et dernière faveur de l’amour, et de ne le point laisser passer outre la vue, la communication, le baiser et le toucher ; car je ne songeais pas tant au gain que l’on m’avait assuré que je ferais en me montrant un peu revêche qu’au plaisir présent dont j’étais chatouillée. J’avais la curiosité de goûter si l’on recevait plus de contentement avec un étranger qu’avec un Français ; et puis celui-là était si beau et si blond, que, ma foi, j’eusse été plus forte qu’une tigresse si je n’eusse fait toucher son aiguille au pôle où elle tendait.

Notre commissaire, qui avait été averti de cette nouvelle proie, vint pour en avoir sa part, comme nous nous embrassions aussi amoureusement que l’on se puisse figurer. La bonne Perrette lui ouvrait tout bellement sa porte, l’admonestant de bien jouer son rôle. À son arrivée, je me jetai tout en chemise à la ruelle du lit, et mon amant éperdu, oyant dire que l’on me voulait mener en prison s’en allait courir à son épée, lorsqu’un sergent et son recorswkt l’arrêtèrent furieusement par le bras, le menaçant de le loger aux dépens du roi. Ayant eu inutilement son