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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/109

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recours aux supplications, il s’avisa de se servir de ce divin métal dont tout le monde est enchanté ; et, ayant pris quelques pistoles dans les pochettes de son haut-de-chausse, il en contenta si bien cette canaille, qu’elle le laissa en paix se recoucher auprès de moi.

Voilà la première alarme qu’il eut ; mais ce ne fut pas la dernière, ni la plus effroyable. Car, comme ses esprits se furent réchauffés, ayant perdu la peur passée qui les avait glacés entièrement, étant prêt à se donner du bon temps pour ses pistoles, l’on heurta assez fort à notre porte, qui fut incontinent ouverte, et l’un des camarades de Marsaut, bien en point, entra dedans ma chambre avec trois autres après lui, qui lui portèrent toute sorte de révérence, comme à leur maître. Moi qui savais la mômerie, je fis accroire à l’étranger que c’était là le seigneur qui était amoureux de moi, et le suppliai de se cacher promptement à ma ruelle. Ce fanfaron de tire-laine, qui s’entendait des mieux à trancher du grand[1], demanda à Perrette où j’étais.

— Elle est déjà couchée, lui répondit-elle, car elle ne vous attendait pas aujourd’hui, et puis elle avait un mal de tête qui la travaillait fort.

— Mon petit page n’est-il pas venu ici tantôt pour vous avertir que je ne manquerais pas à la visiter ? répliqua le brave.

— Nous ne l’avons point vu, lui dit Perrette.

— Ha ! le coquin, répondit-il, je lui apprendrai à m’obéir ; il est allé jouer quelque part. Je croyais venir de meilleure heure, continua-t-il ; mais, ayant vu souper le roi, j’ai été contraint d’entrer avec Sa Majesté dans

  1. ndws : Trancher du prince, du Grand, etc., cf. Oudin op. cit., p. 551 : faire le Prince, le Seigneur, et ainsi des autres. (cf. éd. Roy, t. I, p. 89).