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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/110

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son cabinet, par son commandement, pour recevoir l’honneur qu’il me voulait faire de me communiquer quelques-unes de ses plus secrètes intentions. Je ne fais que d’en partir tout maintenant et n’ai pas voulu aller souper en mon hôtel ; j’ai commandé à mes gens d’apporter ici mon service.

Comme il finissait ces paroles, ceux qui l’accompagnaient, entrèrent dans une garde-robe prochaine, et l’un d’eux vint mettre une nappe sur la table, et les autres apportèrent quelques plats de viande.

Le seigneur, étant assis, se mit incontinent à jouer des mâchoires et, ayant bu un verre de vin et torché sa moustache, me dit tout haut :

— Agathe, ma maîtresse, dormez-vous ? ferons-nous l’amour cette nuit ?

Alors, comme si je me fusse réveillée d’un profond sommeil, ayant tiré un peu le rideau, je répondis en frottant mes yeux à ce qu’il m’avait demandé.

— Il faut que vous vous leviez, ce me vint dire Perrette, et que vous mangiez un morceau ; aussi bien n’avez-vous point soupé. Je pense que tout votre mal ne vient que d’opinion.

— Il n’importe pas que le mal que j’avais tantôt fût imaginaire ou non, lui répondis-je, puisque je m’en vois guérie entièrement.

Ayant dit ceci, je mis un petit cotillon, et, ayant jeté un manteau de chambre sur mes épaules, je sortis par la ruelle et allai faire la révérence au feint seigneur. Après m’avoir saluée, il me dit :

— Vous aviez en cette ruelle-là quelqu’un qui vous