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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/112

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— Quelle effronterie ! dit le feint seigneur ; tu m’appelles en duel, coquin ! Mérites-tu d’être blessé de mes armes ? Va ! si tu n’étais destiné à mourir au gibet, je te ferais battre contre le principal marmiton de ma cuisine.

L’Anglais alors regardait partout si ses habits n’y étaient point, croyant qu’alors qu’il les aurait l’on reconnaîtrait mieux sa noblesse par leur somptuosité ; mais, avant qu’il eût été par toute la chambre, le plumet s’en était allé et l’avait enfermé avec celui qui faisait le maître d’hôtel. Il n’avait garde de trouver ce qu’il cherchait ; car en nous en allant, Perrette et moi, nous avions tout emporté en un galetas, où nous nous étions retirées.

S’imaginant qu’il était en un extrême péril, il fit des supplications infinies à celui qui le gardait de le laisser aller ; mais le maître d’hôtel lui répondit que, s’il commettait cette faute-là, il n’oserait plus se représenter devant son seigneur, et que tous ses services seraient perdus. L’Anglais chercha ses habits plus que devant pour y prendre de l’argent et le lui offrir. Ne les rencontrant point, il ôta un bracelet de perles rondes et fines, et lui dit qu’il le lui donnerait pour récompense, s’il lui faisait recouvrer sa liberté.

— Monsieur, dit le maître d’hôtel en le prenant, votre mérite plutôt que ce don me fait résoudre à vous complaire ; car je vous assure que ce que vous me baillez ne vaut pas le quart de ce que je devrais espérer de Monseigneur, si je ne le trahissais comme je le fais. Je m’en vais donc vous faire sortir de céans ; mais, dès demain, il faut que vous quittiez cette ville-ci et que vous vous en retourniez en votre pays ; car, si vous demeuriez dans la France,