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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/113

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l’autorité du personnage que vous avez offensé y est si grande partout, que l’on vous condamnerait à la mort sans raison. Quand vous pourriez trouver vos habillements à cette heure, vous feriez bien de ne les point prendre, vu que possible en vous retournant seriez-vous reconnu des gens de notre hôtel.

Le gentilhomme anglais, ayant donc pris seulement un méchant haut-de-chausse qui traînait dans les ordures, s’en alla aussi vite à sa maison que si tous les lévriers du bourreau eussent été après lui. Dès le lendemain, il ne faillit pas à plier bagage, et je m’assure qu’étant en son pays, il s’y vanta encore d’avoir joui d’une des plus merveilleuses beautés de l’univers, maîtresse d’un des plus grands seigneurs de France, et qu’il y raconta glorieusement les aventures qu’il avait courues en son amour, tenant son argent pour bien employé.

Tous ceux qui avaient aidé à le tromper eurent loyalement leur part au gâteau ; mais ce fut bien moi qui eus la fève, car j’eus un gain plus gros que les autres. Avec de semblables artifices, nous gagnions honnêtement notre vie. La justice n’entendait point parler de nous, car nous faisions tout secrètement ; et je crois que, de la sorte, nos vices étaient des vertus, puisqu’ils étaient couverts.

La fortune, lasse de m’avoir tant montré son devant, tandis que je montrais le mien à tout chacun, me montra enfin son derrière. La première fois que son revers me fut témoigné, ce fut quand monsieur de la Fontaine, que j’ai tantôt mis sur les rangs, rencontra Marsaut, qu’il reconnut et suivit jusques en notre maison, où, de hasard, me voyant à la fenêtre, il me reconnut aussi. Étonné de