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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/114

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me voir demoiselle, il s’enquêta de quelques-uns de la rue qu’il connaissait, ce que je faisais. L’on lui dit tout ce qu’il en avait déjà conjecturé. Mes voisins, ayant appris de lui que j’avais été servante, me décrièrent plus que la vieille monnaie ; de sorte que je ne sortais point sans recevoir quelque affront. D’ailleurs, la Fontaine, rencontrant derechef Marsaut, l’accosta, lui dit qu’il l’avait volé, et fit un terrible vacarme ; mais il ne le put faire conduire en prison, parce qu’il arriva à l’instant de ses camarades qui fendirent la presse, le tirèrent de la main des sergents et, outre cela, dérobèrent deux manteaux à des badauds qui mettaient le nez aux affaires d’autrui.

Marsaut échappa belle ce coup-là ; mais il n’en fut pas ainsi quinze jours après, que des archers l’encoffrèrent pour avoir volé la maison d’un bourgeois d’autorité : son procès fut expédié en deux jours, et l’on l’envoya en Grève, où son col sut combien pesait le reste de son corps[1].

Cette infamie retombant dessus Perrette et dessus moi, à cause qu’il avait toujours été avec nous, nous fûmes contraintes de déloger de notre quartier, de peur qu’il ne nous arrivât quelque malencontre ; car nous n’avions plus guère de soutien. Nous avions chié dans la malle du commissaire, parce qu’étant venu un jour chez nous, pensant y avoir sa chalandise accoutumée, il y avait bien trouvé à qui parler. Trois gentilhommes déniaisés étaient avec moi, qui le testonnèrentwkt bravement et lui firent sauter les montées plus vite qu’il n’eût voulu. Il croyait que Perrette l’avait trahi ; voilà pourquoi dès l’instant il avait rompu avec nous.

  1. référence à la ballade de F. Villon : Le quatrain que feit Villon quand il fut jugé à mourir :

    Je suis François, dont ce me poise,
    Né de Paris emprès Ponthoise.
    Or d’une corde d’une toise
    Saura mon col que mon cul poise.