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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/125

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sions reconnu sa bonne volonté. Aussi lui promîmes, nous de le faire parvenir au but où il visait : et Laurette, à qui la coquille démangeait beaucoup, quelque modestie qu’elle eût, se résolut à manier tout de bon ce qu’elle avait feint de tant haïr, qu’elle n’avait pas voulu voir le lieu où il avait été représenté fort peu de temps.

La nuit que son gentil pucelage était aux abois de la mort, Valderan amena un musicien de ses amis devant nos fenêtres et lui fit chanter un air qui, avec le son d’un luth, empêcha que je n’allasse prendre mon repos, tant j’ai d’affection pour l’harmonie. Je descendis en une salle basse avec ma servante, pour écouter ; et, voyez la vanité de notre amoureux : afin que l’on sût que c’était lui qui donnait ou qui faisait donner cette sérénade, il se fit appeler tout haut par quelqu’un qui était là. Mais d’autant que je savais bien que ce n’était pas lui qui chantait, et qu’il m’était avis que ce n’était pas assez que de ne donner que des paroles et de la musique à sa dame, je dis à ma servante qu’elle lui en touchât quelques mots. La chanson étant achevée, elle ouvrit la fenêtre, et lui, croyant que ce fût Laurette, s’approcha incontinent ; mais comme il vit que ce ne l’était pas, il lui demanda où elle était.

— Et croyez-vous qu’elle soit si sotte que de se réveiller pour vous entendre racler deux ou trois méchants boyaux du chat de ma servante ? À quoi sert toute votre viande creuse ? Vous pensez qu’ainsi que vous passez la nuit à songer à elle, elle la passe à songer de vous ? Ôtez cela de votre fantaisie : maintenant elle dort dans son lit à jambe étendue. Si vous aimez sa santé, ne faites pas jouer davantage, craignant de la retirer du sommeil :