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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/132

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lièrement, et que je faisais bien avec elle mes petites affaires sans que personne en sût rien. Autant de mille écus que j’y ai mené de fois de jeunes drôles qui jouissaient d’elle, tandis que celui qui était son maître et son serviteur tout ensemble croyait qu’elle ne pouvait faire ouvrir la serrure dont il portait la clef.

Enfin, comme l’on se lasse d’être nourri toujours d’une même viande, il n’a plus tant adoré les appas de Laurette et, ne voulant pas néanmoins la quitter tout-à-fait, mais désirant retâter sans scandale de son mets ordinaire quand bon lui semblerait, il s’est avisé de la donner en mariage à Valentin, avec quelques avantages, comme une récompense des services qu’il a reçus de lui. Valentin et elle sont venus demeurer en un château ici proche, où je m’en vais lui présenter les recommandations d’un brave homme qui obtiendra plus en un jour que Francion n’a fait en trois mois. Ma foi, il le mérite aussi, quand ce ne serait qu’à cause que son affection est née en un temps remarquable et pour un charitable sujet. La première fois qu’il vit Laurette, ce fut dans l’église, comme l’on la mariait, et, considérant que son époux ne lui donnerait pas tout ce qu’elle pourrait désirer, il se proposa par amitié fraternelle de lui subvenir. Dans peu de temps, vous le verrez en cette contrée ; car il est si assuré que je m’acquitterai bien de ma charge, que je m’assure qu’il est déjà parti de Paris.

Êtes-vous content à cette heure, Francion ? Voilà tout ce que je vous puis dire de votre maîtresse ; l’aimez-vous encore aussi ardemment que vous faisiez ?

— Je suis plus son serviteur que jamais, répondit Francion, et assurez-vous que, n’était que la mémoire