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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/143

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— Oui-da, lui répondis-je ; lorsque j’étais petit enfant, c’était là mon passe-temps coutumier.

— Ho bien ! dit l’ermite représentez-vous que la terre, qui est stable, est une noix ; car elle est percée de même, par ce que l’on appelle l’essieu, qui va d’un pôle à l’autre, et cette corde-ci est attachée au mitan ; de sorte qu’en la tirant l’on fait tourner le premier ciel, qui, en certains lieux, a des créneaux qui, se rencontrant dans les trous d’un autre, le font mouvoir d’un pas plus vite, ainsi qu’il donne encore le branle à ceux qui sont après lui. Faites une petite promenade ici proche, et vous verrez ici un autre secret.

Je tournai du côté qu’il me montra à l’instant et, au travers d’un endroit des cieux tout diaphane, je vis des femmes qui ne faisaient que donner un coup de la main sur un des cercles et les faisaient tourner comme des pirouettes.

Un désir me venant alors de m’en aller à la terre, je demandai le chemin à l’ermite, et lui aussitôt me fit prendre à deux mains la corde que tenaient les dieux ; et je me laissai couler jusques au bas, où je me gardai bien d’entrer dans une grande ouverture. Car, pour éviter ce précipice, je ne sais de quelle façon l’air me soutint, dès que j’eus remué mes bras, comme si c’eussent été des ailes, Je prenais plaisir à voler en cette nouvelle façon, et ne m’arrêtai point jusques à tant que je fus las.

Je me trouvai en un champ bien labouré où je rencontrai un homme qui ne semait que des cailloux et m’assurait pourtant qu’il y viendrait du beau froment. Ayant passé une haie qui bordait des terres, j’arrivai dans un