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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/145

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plus laide forme que l’on se puisse figurer. Je me retournai vers la dame pour l’appeler traîtresse ; mais au lieu d’une voix articulée, il ne sortit de ma bouche qu’un hurlement.

Au même instant, les monstres accoururent à moi et m’entraînèrent jusques dans un palais bâti non point avec des marbres, mais avec toutes sortes de choses bonnes à manger, rangées en ordre l’une sur l’autre. Celui que j’avais vu auparavant sur un chariot était là, dessus un trône élevé, où il fallut que je lui allasse rendre hommage selon la coutume du lieu. Il lui croissait à vue d’œil un long poil au ventre, qui l’importunait tant, que ceux qui lui voulaient faire quelque honneur le devaient couper. L’on me donna donc pour cet effet de petites forceswkt bien tranchantes, et encore me dit-on qu’il ne fallait toucher qu’à la moitié de cette partie velue, parce qu’il en devait rester pour un nouveau venu comme moi, qui se mettait en son devoir avant que les poils pussent reconnaître (sic). Ce que je devais raser m’ayant été marqué avec un compas, je commençai à jouer de mes forces, mais si malheureusement que je coupai un morceau du membre qui eût servi à la génération d’une infinité de petits diablotins comme leur père.

Quand j’eus commis ce sacrilège, les assistants mirent les pattes dessus moi et, la parole m’étant venue alors, je les priai de me pardonner. Ils me firent entendre par signes qu’ils me pardonneraient si je leur étais propre à quelque chose ; car comme je vous l’ai déjà dit, ils n’avaient point de voix humaine. Sans songer au marché que je faisais, je leur allai répondre que j’étais bon à les