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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/148

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battirent si bien qu’à la fin il n’en demeura qu’un seul, lequel ceux qui étaient du parti contraire massacrèrent ; et tout à l’heure le combat se commença si furieusement et si brutalement qu’ils chargeaient le plus souvent leurs compagnons au lieu de leurs ennemis déclarés. Craignant que leur colère ne tombât aussi dessus moi, je portai aussi mes pas plus loin ; et ce qui me vint premièrement à la rencontre fut un homme malicieux, qui était monté sur un pommier et ne se contentait pas de cueillir le fruit, mais rompait aussi les branches, de sorte qu’il ne demeura plus que le tronc de l’arbre qui ne donnait pas espérance de produire quelque chose l’année future.

À partir de là, je trouvai un vieillard qui avait de grandes oreilles, et la bouche fermée d’un cadenas, qui ne se pouvait ouvrir que quand l’on faisait rencontrer en certains endroits quelques lettres, qui faisaient ces mots : il est temps, lorsque l’on les assemblait. Voyant que l’usage de la parole lui était interdit, je lui demandai pourquoi, croyant qu’il me répondrait par signes. Après qu’il eut mis de certains cornets à ses oreilles pour mieux recevoir ma voix, il me montra de la main un petit bocage, comme s’il m’eût voulu dire que c’était là que je pourrais avoir réponse de ce que je lui demandais. Quand j’en fus proche, j’ouïs un caquet continuel, et m’imaginai alors que l’on parlait là assez pour le vieillard.

Il y avait six arbres au milieu des autres, qui au lieu de feuilles avaient des langues menues attachées aux branches avec des fils de fer fort déliés, si bien qu’un vent impétueux, qui soufflait contre, les faisait toujours jargonner. Quelquefois je leur entendais proférer des paroles