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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/149

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pleines de blâmes et d’injures. Un grand géant, qui était couché à leur ombre, oyant qu’elles me découvraient ce qu’il avait de plus secret, tira un grand cimeterre et ne donna point de repos à son bras qu’il ne les eût toutes abattues et tranchées en pièces ; encore étaient-elles si vives qu’elles se remuaient à terre et tâchaient de parler comme auparavant. Mais sa rage eut bien après plus d’occasion de s’accroître, parce que, passant plus loin, il me vit contre un rocher, où il connut que je lisais un ample récit de tous les mauvais déportements de sa vie. Il s’approcha pour hacher aussi en pièces ce témoin de ses crimes, et fut bien courroucé de ce que sa lame rejaillissait contre lui sans avoir seulement écaillé la pierre. La fureur qu’il en conçut fut si grande qu’en un moment il se tua de ses propres armes.

Une telle puanteur sortait de son corps que je m’en éloignai le plus tôt que je pus, et ne m’arrêtai point que je ne fusse auprès de deux petites fosses pleines d’eau, où deux jeunes hommes tout nus se plongeaient, en disant par plusieurs fois qu’ils étaient dans les délices jusques à la gorge. Désirant jouir d’un bonheur pareil au leur, je me déshabillai promptement, et voyant une fosse dont l’eau me semblait encore plus claire que celle des autres, je m’y voulus baigner aussi ; mais je n’y eus pas sitôt mis le pied, que je chus dans un précipice : car c’était une large pièce de verre qui se cassa, et m’écorcha encore toutes les jambes.



Pourtant je tombai en un lieu où je ne me froissai point du tout. La place était couverte de jeunes tétons collés ensemble deux à deux, qui étaient comme des ballons, bal-