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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/150

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lons sur lesquels je me plus longtemps à me rouler. Enfin, m’étant couché lâchement sur le dos, une belle dame se vint agenouiller auprès de moi et, me mettant un entonnoir en la bouche et tenant un vase, me dit qu’elle me voulait faire boire d’une liqueur délicieuse. J’ouvrais déjà le gosier plus large que celui de ce chantre qui avala une souris en buvant, lorsque, s’étant un peu relevée, elle pissa plus d’une pinte d’urine[1], mesure de Saint-Denis, qu’elle me fit engorger. Je me relevai promptement pour la punir et ne lui eus pas sitôt baillé un soufflet, que son corps tomba tout par pièces. D’un côté était la tête, d’un autre côté les bras, un peu plus loin étaient les cuisses, bref tout était divisé ; et ce qui me sembla émerveillable, c’est que la plupart de tous ces membres ne laissèrent pas peu après de faire leurs offices. Les jambes se promenaient par la caverne, les bras me venaient frapper, la tête me faisait des grimaces et la langue me chantait injures. La peur que j’eus d’être accusé d’avoir fait mourir cette femme me contraignit de chercher une invention pour la faire ressusciter. Je pensai que si toutes les parties de son corps étaient rejointes ensemble, elle reviendrait en son premier état, puisqu’elle n’avait pas un membre qui ne fût prêt à faire toutes ses fonctions. Mes mains assemblèrent donc tout, excepté ses bras et sa tête, et, voyant son ventre en un embonpoint aimable, je commençai de prendre la hardiesse de m’y jouer pour faire la paix avec elle ; mais sa langue s’écria que je n’avais pas pris ses tétons mêmes, et que ceux que j’avais mis à son corps étaient d’autres que j’avais ramassés emmiwkt la caverne. Aussitôt je cherchai les siens, et, les ayant attachés au lieu où ils devaient

  1. ndws : la mesure de saint-Denis est plus grande que celle de Paris, cf. Oudin, op. cit., p. 344.