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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/152

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— Tu t’en repentiras, Francion ; alors que tu me voudras baiser, je ne voudrai pas que tu me baises.

Je portai mes yeux vers le lieu où était celle qui parlait à moi, et aperçus, à mon grand étonnement, que ce n’était point une vieille, mais cette Laurette même pour qui je soupire.

— Pardon, ma belle, lui dis-je alors, vous vous étiez transformée, je ne vous reconnaissais point du tout.

En disant cela je la voulus baiser, mais elle s’évanouit entre mes bras. Un ris démesuré que j’ouïs alors me fit tourner les yeux vers un autre endroit, où j’aperçus toutes les femmes que j’avais vues premièrement, lesquelles se moquaient de l’aventure qui m’était arrivée et me disaient qu’au défaut de Laurette il fallait bien que je me passasse de l’une d’elles.

— J’en suis content, ce dis-je ; çà ! que celle qui a encore son pucelage s’en vienne jouer avec moi sur ce lit de roses !

Ces paroles-ci causèrent encore de plus grands éclats de risée ; de sorte que je demeurai confus sans leur répondre.

— Venez, venez, me dit la plus jeune ayant pitié de moi ; nous vous allons montrer nos pucelages.

Je les suivis donc jusques à un petit temple, sur l’autel duquel était le simulacre de l’amour, environné de plusieurs petites fioles pleines d’une certaine chose que l’on ne pouvait bonnement appeler liqueur. Elle était vermeille comme sang et, en quelques endroits, blanche comme lait.



— Voilà les pucelages des femmes, ce me dit l’une ;