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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/153

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les nôtres y sont aussi parmi. Aussitôt qu’ils sont perdus, ils sont apportés en offrande à ce dieu, qui les aime sur toutes choses. Par les billets de dessus vous pouvez voir à qui ils ont appartenu, et qui sont les hommes qui les ont gagnés.

— Montrez-moi celui de Laurette, dis-je à une affétée qui était auprès de moi.

— Le voilà, Francion, me dit-elle en m’apportant une fiole.

— Le voilà de fait, ce dis-je ; son nom est écrit ici, mais je ne vois point celui du champion qui l’a eu.

— Apprenez, me répondit la belle, que, quand l’on perd son pucelage, n’étant point mariée, le nom de celui à qui l’on l’a donné ne se met point, parce que l’on veut tenir cela caché ; autant que quelquefois la nature nous pressant nous le fait bailler au premier venu, qui, ne le méritant pas, nous serions honteuses si l’on le savait. De là vous pouvez conjecturer que votre Laurette n’a pas attendu jusques au jour de son mariage à faire cueillir une fleur entièrement éclose, laquelle se fût fanée sans cela et ne lui eût point apporté de plaisir. Allons, Francion continua-t-elle, voici un autre temple non moins beau que celui-ci.

En achevant ces paroles, elle me fit entrer dans un temple tout joignant où je vis sur l’autel la statue de Vulcain qui portait des cornes d’une toise de haut. Toutes les murailles étaient couvertes d’autres semblables.

— Est-ce quelque veneur qui vient ici attacher en trophée les bois de tous les cerfs qu’il prend ? dis-je à ma guide.