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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/156

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cet état aussi roide qu’elle fut jamais ; néanmoins, cela me causait si peu de mal, que j’étais plutôt ému à rire de cette plaisante recette qu’à me plaindre. Comme je me regardais de tous côtés, je vis que la baguette poussa de petites branches chargées de feuilles, et peu après poussa un bouton de fleur inconnue qui, s’étant éclos et étalé, offrit à mes yeux les plus belles couleurs qui se puissent voir.

J’eusse bien voulu savoir s’il avait une odeur qui pût aussi bien contenter le nez, et, ne l’en pouvant pas approcher, je coupai sa queue avec mes ongles pour le séparer de la tige. Mais je fus bien étonné de voir que le sang sortit aussitôt par l’endroit où j’avais rompu la plante ; et peu après je commençai de souffrir un petit de mal, qui me contraignit de me plaindre à ma chirurgienne, qui, accourant à moi et voyant ce que j’avais fait, s’écria :

— Tout est perdu, vous mourrez bientôt par votre faute. Je ne sais rien qui vous puisse sauver : la fleur que vous avez rompue était un des membres de votre corps.

— Hé ! rendez-moi la vie, ce dis-je ; vous m’avez déjà montré qu’il ne vous est rien d’impossible.

— Je m’en vais mettre tous mes efforts à vous guérir, me répliqua-t-elle ; et puisque Laurette est ici présente, je crois que, par son moyen, je viendrai mieux à bout de mon entreprise.

Alors elle alla trouver le verre qui couvrait Laurette au droit de la bouche, et lui donna à souffler dans une longue sarbacane qu’elle fit entrer par en bas dans un petit creux qui était en terre ; puis elle vint à moi et, m’ayant