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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/157

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tiré la baguette du corps, me retourna et me mit le cul sur un petit conduit où répondait la sarbacane.

— Poussez votre vent, dit-elle alors à Laurette ; il faut que vous rendiez ainsi l’âme à votre serviteur au lieu que les autres dames la rendent aux leurs par un baiser.

À l’heure même, une douce haleine m’entra dans le corps par la porte de derrière, de quoi je reçus un plaisir incroyable. Tôt après, elle se rendit si véhémente, qu’elle me souleva de terre et me porta jusqu’à la voûte ; petit à petit, elle modéra sa violence, de sorte que je descendis à deux coudées près de la terre. Ayant alors moyen de regarder Laurette, je tournai ma tête vers elle et vis que sa châsse de verre se rompit en deux parties, et qu’elle en sortit toute gaie pour venir faire des gambades autour de moi. Je me dressai alors sur mes pieds, parce qu’elle ne soufflait plus dans la sarbacane, et que je ne pouvais plus être enlevé par son vent. Oubliant toute autre chose, j’étendais les bras pour enserrer son corps ; mais à l’instant vous me réveillâtes, et je trouvai que j’embrassais une vieille, au lieu de celle que j’aime tant ! Quand je considère que vous me privâtes du bien que j’allais goûter en idée, je dis que vous me fîtes un très grand tort. Mais quand je considère en récompense, que vous me gardâtes de souiller mon corps en le joignant à un autre auquel je ne saurais penser qu’avec horreur, je confesse que je vous ai beaucoup d’obligation ; car certes il me fût advenu mal en effet, tandis que le bien ne me fût arrivé qu’en songe. Pour ce regard, je conclus que je vous suis infiniment redevable.