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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/159

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mais, or çà, expliquerez-vous bien quelque chose de mon songe, ainsi que vous vous êtes vanté ?

— Il me faut du terme, répondit le Bourguignon, nous en parlerons à souper entre la poire et le fromage. Encore ne suis-je pas assuré de donner la signification de tant d’énigmes, que je ne croyais pas avoir tant d’obscurité, et puis c’est affaire à des niais de vouloir trouver les choses futures ou passées dedans ces fantaisies-là. Monsieur, il faut prendre le temps comme il vient et ne se point alambiquer l’esprit sur la consideration des succès d’aucune chose.

Ils tenaient encore plusieurs discours sur ce sujet-là quand ils arrivèrent à un fort beau château, qui appartenait au gentilhomme bourguignon, duquel Francion reconnut, mieux qu’il n’avait encore fait, la qualité éminente et les grandes richesses par un assez bon nombre de gens qui lui portaient beaucoup de respect, et par les meubles somptueux du logement.

Après qu’il eut soupé, son hôte le conduisit dans une chambre où, dès l’heure même, il voulut à toute force qu’il se couchât, parce qu’il lui était besoin de se reposer. Lui ayant fait débander la plaie qu’il avait à la tête et ôter les onguents que le barbier y avait appliqués, il y fit mettre d’un certain baume très exquis que l’on lui avait apporté de Turquie et qui remédiait en peu de temps à toutes sortes de blessures.

— Vous me promîtes hier au soir dans la taverne, lui dit-il après, de m’apprendre sans fiction qui vous êtes et de me conter vos plus particulières aventures. Maintenant que nous sommes de loisir, vous vous rendrez quitte de cela envers moi, s’il vous plaît.