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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/160

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— Monsieur, dit Francion, je serais le plus ingrat du monde si je ne vous accordais tout ce que vous me sauriez demander ; car véritablement vous me traitez avec une courtoisie des plus remarquables du monde. Ce m’est un grand bonheur d’avoir rencontré un homme qui ne veut que des paroles pour récompense des plaisirs qu’il me départ ; je m’en vais donc vous satisfaire au mieux qu’il me sera possible.

Son hôte s’étant alors assis sur une chaise proche de son lit, il poursuivit en cette façon :

— Puisque nous avons le temps à souhait, il ne sera pas mauvais que je vous dise premièrement quelque chose de mon père : son nom était La Porte, son pays était la Bretagne, sa race était des plus nobles et des plus anciennes, et sa vertu et sa vaillance si notables, qu’encore qu’il ne soit pas parlé de lui dans les histoires de France, à cause de la négligence et de l’infidélité des auteurs de ce siècle, l’on ne laisse pas de savoir quel homme c’était, et en combien de rencontres et de batailles il s’est trouvé pour le service de son prince.

Ayant passé ses plus belles années auprès des grands, où il voyait que sa fortune n’égalait pas son mérite, il s’en retira enfin tout dépité, et vint demeurer en sa patrie, où il possédait quelques terres.

Sa mère, qui s’était remariée depuis la mort de son père, vint à mourir en ce temps-là. Il ne put recueillir la succession sans procès, parce que le mari de la défunte aimait fort à chicaner, et avait recelé quelque chose des meubles, autant pour avoir sujet de passer par les mains de la justice que pour faire son profit. Les instances ordinaires