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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/164

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mais, n’osant pas lui rien offrir parce qu’il savait la coutume du personnage, il s’était avisé d’une gentille subtilité, qui couvrait la corruption : c’est que, voyant un beau tableau dedans la salle, il avait dit qu’il en eût bien voulu avoir un pareil.

— Il est à votre service, avait répondu la dame du logis,

— Je vous en remercie très humblement, avait-il répliqué ; mais dites-moi ce qu’il vous coûte, je vous en donnerai tout à cette heure le même prix.

— Six écus, monsieur.

— Et vraiment en voilà trente-six que je vous baille, lui avait-il répondu en lui mettant entre les mains une bourse. La peine que vous avez eue à l’acheter, et que vous aurez à vous accoutumer à ne plus le voir, mérite bien cette somme-là.

La femme du bailli, qui entendait bien à quel sujet il lui donnait tant d’argent de son tableau, avait recommandé si bien son affaire à son mari, qu’elle lui avait donc fait gagner son procès.

Il n’y a chose si cachée au monde, qu’elle ne vienne un jour en évidence. Celle-ci fut publiée par une servante que le bailli avait chassée après l’avoir bien battue. Pour diffamer son maître, elle ne se trouva depuis en pas un lieu où elle ne contât l’histoire, de sorte que son maître fut décrié partout.

Mon père s’en alla communiquer son affaire à son avocat du parlement, pour savoir s’il serait bien fondé en appellationwkt-4. Celui-ci qui ne dissuadait jamais personne de chicaner, ne manquât pas à garder sa coutume, et anima mon père à relever son appel par plusieurs raisons.