Aller au contenu

Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139

— Vous qui êtes noble, lui disait-il, il faut que vous montriez que vous avez du courage, et que vous ne vous laissez pas vaincre facilement ; le procès est une manière de combat où la palme est donnée à celui qui gagne, aussi bien qu’aux jeux Olympiques. Voyez-vous qui se fait brebis, le loup le mange, comme dit le proverbe ; vous avez à vivre aux champs, parmi des villageois opiniâtres qui vous dénieraient ce qui vous serait dû, espérant de ne vous point payer, si vous vous étiez une fois laissé mener par le nez comme un buffle. Au reste, si vous plaidez en notre illustre cour, il vous adviendra des félicités incomparables : vous serez connu de tel qui n’entendrait jamais parler de vous, et, qui plus est, vous serez immortalisé, car les registres que l’on garde éternellement feront mention de vous. Davantage les héritiers que vous aurez, possédant le bien pour lequel vous prenez tant de peine maintenant, béniront votre bon ménage, et prieront Dieu pour vous tout le temps de leur vie. Ceci vous doit ôter la considération d’un petit ennui passager qui vous dégoûte de poursuivre votre pointe. Je vous conseille donc, pour conclure, de ne point donner de repos à votre partie et de ne point faire d’accord, quand elle vous en parlerait. Il n’est que d’avoir un arrêt définitif. Ne craignez point qu’il ne soit donné à votre profit, car vous avez une cause infiniment bonne.

Là-dessus, il prenait Barthole et Cujas par les pieds et par la tête ; et citait des lois de toutes sortes de façons, pour prouver le bon droit de mon père, qui crut tout ce qu’il lui disait, ne sachant pas qu’il était en un lieu où l’on s’entendait des mieux à supposer de faux titres, à ne