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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/166

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se souvenir que des raisons de ceux que l’on affectionne, et à juger les procès dessus l’étiquette.

L’on lui adressa un jeune procureur de la nouvelle crue qui, je m’assure, avait baillé de l’argent pour se faire recevoir (je sais bien à qui) car il n’y avait pas apparence que ce fût la grande connaissance des affaires du palais qui lui eût fait obtenir la permission de postuler. Néanmoins, il n’était pas si ignorant qu’il ne sût bien de quelle sorte il fallait accroître son talent ; et certes il était si bien procureur qu’il procurait plutôt pour lui-même que pour autrui. Mon père était en une très mauvaise main ; car cet homme-ci se laissa gagner par sa partie, afin de faire double profit, et, au lieu d’avancer l’affaire, la retardait malgré que mon père en eût, lui faisant accroire que toutes les procédures inutiles qu’il faisait étaient nécessaires.

Ses plus ordinaires discours n’étaient que d’argent, dont il assurait toujours qu’il lui était besoin pour faire beaucoup de frais, encore qu’il n’en fallût faire que fort peu : mon père ne laissait pas pourtant de lui en donner autant qu’il en demandait, afin de l’induire à apporter plus de diligence en son affaire.

D’un autre côté, l’avocat faisait des écritures où il ne mettait que deux mots en une ligne, pour gagner davantage. Afin de les enfler très bien, il usait de certaine orthographe où il se trouvait une infinité de lettres inutiles. Le pire était qu’il n’y avait rien que des discours frivoles qui n’éclaircissaient point la matière. Or il avait cette gentille coutume que, quand il avait quelque chose à acheter, il acquérait, sur les premiers contreditswkt-3 que l’on lui donnait