Aller au contenu

Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141

à faire, tout l’argent qui lui était de besoin ; car il songeait auparavant combien il était nécessaire qu’il fît de rôles, et fallait qu’il les emplît après, quand c’eût été d’une chanson.

Mon père ne se put pas tenir de lui dire un jour, en lui payant de pareilles écritures, que tout ce qu’il avait fait ne servait de rien ; que, pour lui, il en eût autant fait, et possible davantage, encore qu’il ne fût pas du métier, et qu’aussi bien était-ce une chose vaine d’y alléguer toutes les lois qui y étaient, vu qu’il était certain que la cour n’y avait jamais égard. Il prit ceci au point d’honneurwkt, et une grosse querelle s’émut entre eux. Mon père afin de le moins offenser, fit d’une attaque particulière une attaque générale, et se mit à parler contre la bande entière des praticiens, qu’il déchiffra[1] d’une terrible façon :

— Quelle vilenie, disait-il entre autres choses, que ces gens-ci exercent publiquement leurs brigandages. Ils ont trouvé mille subtilités pour faire que les biens dont il s’agit n’aillent pas à une des parties, mais demeurent à eux seulement. Les hommes sont-ils si sots que de se laisser tant tirer par ces sangsues ? Ne voient-ils pas bien que tant de procédures fagotées ensemble ne se font que pour les tromper ? À quoi servent toutes ces choses, qui ne rendent pas les causes moins obscures ? Que ne juge-t-on dès l’instant que les plaideurs comparaissent ? Encore, ce qu’il y a de pire, c’est qu’en toutes ces juridictions il y a diverses manières de procéder : je voudrais bien savoir pourquoi. Car, que ne prend-on partout celle qui est la meilleure et la plus courte ? Il faut que je m’ima-

  1. ndws : déchiffrer une personne : en médire, et particulariser ses défauts, cf. Oudin, op. cit., p. 154.