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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/168

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gine que c’est que l’on veut décevoir plus couvertement ceux qui n’entendent pas les chicanoux.

— Vous vous formalisez de peu de chose, dit l’avocat, et j’oserai bien dire que vous vous plaignez sans raison. Est-il rien de plus beau que la façon dont l’on agite les procès ? N’est-ce pas une marque de la grandeur de la justice que le grand nombre de ressorts qu’elle fait jouer ? Vous autres qui plaidez, ne devrez-vous pas avoir du contentement à voir marcher cette grande machine ? Quant à la différence des procédures des juridictions, elle est plus louable que blâmable ; car ne savez-vous pas bien qu’il faut que tout pays ait sa coutume ?

— Je vous le concède pour vous contenter, répondit mon père : mais je me fâche qu’après tous ces fatras le bon droit n’est point rendu : si l’on le rendait comme il faut, il n’y a point de longueur ni de chicanerie qui ne fût supportable.

Là-dessus l’avocat dit encore plusieurs choses pour défendre son honorable métier : et, néanmoins, à la fin, il fut contraint de conclure qu’il y avait beaucoup à redire ; mais que c’était que la Divinité envoyait ce fléau aux hommes pour la punition de leurs énormes péchés, et force lui fut d’accorder à mon père que c’est à tort que l’on appelle en un mot la chicanerie pratique, sans dire de quoi elle est pratique, comme s’il n’y avait que cette pratique-là, ou qu’elle eût une prérogative si grande sur toutes les autres, que ce fût assez de dire cela seulement pour la faire reconnaître.

Pour revenir au procès, il fut distribué à un conseiller le plus fantasque de tous, car, pour dire vrai, je ne sais