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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/171

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l’un que l’autre. Tout le bien dont nous disputons sera la proie de ces maudites gens, qui ne vivent que du dommage des autres, et qui ne sauraient souhaiter avoir occasion de s’enrichir sans souhaiter la ruine et le malheur des familles. Ne vaut-il pas bien mieux que nous gardions notre argent que de le donner à ces personnes-là, qui ne nous en saurons pas de gré, et croiront encore que nous leur serons de beaucoup redevables, nous comptant trois lignes d’écriture une somme hors de raison ? Partageons ensemble ce que nous voulions avoir tous deux entier, ou je vous jure que je suis si harassé des chicaneries passées, que je vous laisserai tout sans disputer dorénavant.

La franchise de mon père plut tant à son beau-père qu’il goûta ses raisons, et lui dit qu’il songerait à cela plus mûrement. Cependant mon père, ayant vu en son logis une belle fille du premier lit, prit dessein de la demander en mariage, ce qu’il fit à la première vue, et l’accord que l’on lui en passa mit fin à toutes les plaideries et rendit camuswkt-3 les procureurs et les avocats.

Un an après qu’il eut épousé cette femme, il eut une fille d’elle, et encore une autre au bout d’un même terme.

Quant à moi, je vins au monde cinq années après qu’ils furent joints ensemble, et ce fut en un jour des Rois ; comme ma mère, ayant été la reine de la fève, s’était assise au bout de la table où elle buvait aux bonnes grâces de tous ses sujets d’une soirée, elle sentit une petite douleur qui la contraignit de se jeter sur un lit, où elle ne fut pas sitôt qu’elle accoucha de moi sans sage-femme, si l’on ne veut appeler sages celles de la compagnie qui étaient à l’entour d’elle.