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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/174

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en quelle façon elle m’avait trouvé et l’opinion qu’elle avais que ce fût un diable qui était venu dedans ma chambre. Ma mère, qui n’avait pas coutume de croire de léger, rapporta le tout à mon père, qui s’en moqua et dit que c’était une pure rêverie, voulant quasi faire accroire à la servante qu’il n’était rien de tout ce qu’elle avait vu ; mais un valet, qui était entré un peu après elle en la chambre et m’avait vu au même état, comme elle m’interrogeait là-dessus, lui ôta le soupçon qu’il avait, qu’elle se trompât par faiblesse d’esprit.

Le méchant singe revint encore chez nous la nuit suivante, et, ayant étalé tous les jetons d’une bourse sur la table de la salle, comme s’il les eût voulu compter, et ayant aussi renversé beaucoup d’écuelles en la cuisine, s’en retourna avant le jour par entre les barreaux d’une petite fenêtre qui n’avait point de volet, et qui lui avait déjà servi de passage. Quand les servantes eurent aperçu tout le ménage qu’il avait fait, elles le dirent à mon père et à ma mère, qui furent contraints de s’imaginer qu’il revenait un lutin en notre maison.

Les impressions que nos serviteurs eurent de cela faisaient qu’ils s’imaginaient que la nuit ils avaient vu beaucoup de fantômes. Même l’un d’eux assura que, s’étant relevé sur les onze heures pour pisser par sa fenêtre, à cause qu’il n’avait point de pot de chambre, il avait aperçu quelque chose dans le jardin qui sautait d’arbre en arbre.

— Je jure, dit mon père, que tous tant que vous êtes, puisque vous voulez me faire accroire qu’il revient ici des esprits, vous ferez les nuits la sentinelle, à quelque fenêtre,