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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/175

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pour voir si quelque chose vous apparaîtra et m’en venir avertir à l’heure.

Comme il était entier en ses résolutions, il accomplit ce qu’il disait, et déjà par huit fois quelqu’un de nos gens avait toujours veillé ou feint de veiller (car je pense qu’ils se laissaient bientôt abattre par le sommeil), lorsque celui qui était la neuvième nuit à la guette vint dire à mon père qu’il avait vu quelqu’un dans le jardin. Mon père prend un pistolet, et s’en va tout bellement avec celui-là au lieu qu’il lui avait enseigné. Il n’y fut pas sitôt, qu’il vit un homme s’enfuir vers un endroit de la muraille qui était abattu. Lui de courir après avec son pistolet, qu’il tira en l’air ; ce qui étonna tellement celui qui fuyait, qu’avec ce qu’il se heurta contre une pierre, il lui fut impossible de se soutenir davantage ; de sorte que mon père fut auprès de lui avant qu’il eût le loisir de se relever : par sa voix qu’il fut contraint de faire ouïr, en disant que l’on lui pardonnât, notre serviteur reconnut que c’était un paysan d’un bourg prochain ; et, par un panier où il y avait deux ou trois poires de bon-chrétien, mon père vit qu’il était venu là pour dérober ses fruits. Néanmoins, il avait un courage si peu porté à tirer vengeance d’une telle canaille, qu’il se contenta de lui bailler deux ou trois coups de pieds au cul, et de le menacer de le mettre en justice s’il retournait à sa première faute.

Ce fut ainsi qu’il reconnut quel esprit c’était que notre valet avait vu sur les arbres ; mais, quant à celui qui m’avait tourmenté, et qui avait fait ravage dans la maison, il n’en savait que juger. Le lendemain il entra dans le logis où demeurait le singe, qu’il vit attaché d’une